Archives de la catégorie : Lis mes ratures

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Lapinou fait son cinéma

Lapinou habitait la montagne et désirait depuis longtemps descendre dans la vallée pour voir la rivière. Mais tout le village semblait s’être donné le mot :

  • Ne descends surtout pas dans la vallée ! Grand Loup rôde et va te manger…

Un matin, Lapinou en eut assez. Il prit son courage dans une main, son baluchon dans l’autre, et partit à l’aventure. Les odeurs chatouillaient ses narines. Le soleil jouait à cache-cache avec les nuages. Le vent… Mais Lapinou se rendit compte que le soleil avait laissé place à un épais brouillard. On n’y voyait goutte.

Lapinou eut très peur. Les terribles récits des gens du village à propos de Grand Loup commençaient à lui monter à la tête, quand un bruit le fit sursauter. Il se précipita droit devant, mais une grande silhouette vraiment très sombre l’arrêta.

– Où vas-tu comme ça, Lapinou ? Tu sembles bien loin de ta maison ! tonna une grosse voix,

  • Ne me mangez pas, trembla Lapinou,

  • Te manger ? répéta Grand Loup, tu n’y penses pas, je suis végétarien !

  • Pourtant, au village, tout le monde a peur de vous, dit Lapinou,

  • ‘Béciles, marmonna Grand Loup,

  • Quoi ? Questionna Lapinou,

  • Non non, rien… éluda Grand Loup,

  • ‘M’enfin, j’ai entendu, t’as dit ‘béciles ! s’énerva Lapinou,

  • Non, mais tu vas m’lâcher, oui ? lança Grand Loup,

  • Coupez ! ordonna le réalisateur, ce n’est pas du tout le texte, où vous croyez-vous ?

Le petit bébé

Le petit bébé
Adoré par son papa et sa maman

Voudrait s’amuser toute la journée
C’est plus marrant

Dans son bateau rouge et blanc
Il vogue sur les océans

Le petit bébé adoré par ses parents

ho ! ho ! ho !

Ho ! ho ! ho ! dit le loup, je n’ai plus rien à manger

Aie aie aie, dit le cochon, ce loup veut me dévorer

S’il croit pouvoir m’échapper, il se met les doigts dans l’nez

S’il croit que je l’ai pas vu, il se met les doigts dans l’…

ho ! ho ! ho !..

Jardin public

Quelque part dans un jardin public, un clochard, la nuit.

Autour, de vieilles HLM qui attendent d’être repeintes. Le clochard n’a pas de prénom. Il est trop loin pour qu’on identifie ce qui est gravé sur sa gourmette, qu’on devine, luisant d’un éclat fugitif lorsqu’il passe sous le réverbère. Qui s’éteint.

A quelques dizaines de pas, les voitures roulent sous la pluie. L’homme est sous les arbres, sur le banc. Il mange des galettes.

Quelques miettes tombent à terre que des petites bêtes viennent — timidement d’abord, puis franchement — grignoter. L’homme s’allonge. Ses pieds dépassent du bord du banc qui bancal grince. Une fois, puis deux, puis plus rien. Il s’endort.

Les petites bêtes vont et viennent : elles sont plus nombreuses ; ça grouille là-dessous ! L’homme ronfle. Les bêtes stoppent net, puis repartent avec plus de fébrilité peut-être. Plus nombreuses aussi.

L’une d’elles, puis deux, puis trois sont montées sur le banc et, timidement, sur l’homme qu’un ronflement agite ; que les bestioles ignorent. Elles continuent leur besogne : une bête s’approche de l’oreille du clochard, la mord. Il hurle. Il sent le vin, tombe à terre et dans sa chute, écrase cinq ou six bestioles. Ca fait un bruit mou, sale et répugnant.

Il vomi en essayant de se relever ; une bête s’enfuie avec quelque chose comme de la chair ensanglantée et molle entre ses petites dents blanchâtres et pointues.

« Mon oreille », pense-t-il horrifié. Sa main s’y porte, se secoue du sang qui coule ; il a mal aux pieds, il a mal partout.

« Putain d’punaises », hurle-t-il. Mais la bête s’agite de plus belle. Il pourrait se lever, courir même, mais son esprit refuse de croire à tout ce sang qui coule maintenant, à toutes ces petites dents pleines de chairs ensanglantées. Les siennes.

Une pensée de cure-dents l’effraye. « Je suis complètement maboule ! », crie-t-il, « A l’aide ! ». Au loin des volets claquent : « Ta gueule, pochard ! ».

« Et merde, j’vais crever là, ces sales bêtes m’ont crevé de partout ».

Il s’agite moins maintenant que les bestioles sont repues. Ces dernières pensées sont pour elles et ses galettes : si seulement elles avaient commencées par elles : le bruit du plastique l’aurait réveillé avant qu’il ne bascule sur le sol et dans la folie.

Cette nuit-là, un clochard est mort de froid. A ses côtés, un sachet de galette éventré, vide. Aucune trace suspecte. Le vent a entraîné le sachet par bond successif jusqu’au grillage.

La pluie s’est arrêtée. De plus en plus de voitures circulent sur le périphérique.

Des gens vont se réchauffer autour du distributeur de café un peu partout dans le pays.

Il vont pointer.

Carnets de voyage : les kariboos. Août 2037

Comme de toute manières c’est les watts qu’elle préfère, nous sommes partis pour Pluton pour monter le volume et faire connaissance avec les habitants. Ils ont, parait-il, une drôle de tête.

En arrivant, j’ai vu un kariboo à travers le hublot. Dans sa démarche rien ne trahissait son état d’esprit. Sur Pluton, les kariboos pratiquent toutes sortes d’activités mais pas le bronzage. Car Pluton est très éloignée du soleil. Nous-mêmes ne l’avons découverte que récemment en discutant avec un agent de voyage. Mais les kariboos sont habitués.

Ce qui ne les a pas empêché pas de ressentir une pointe de jalousie quand nous sommes sortis tout bronzés de la machine. Au début, nous ne comprenions pas leur réaction, puisqu’ils ont des poils longs ! Cette incompréhension dura une semaine. Au début, il nous suffisait de rentrer dans notre appartement pour laisser libre court à nos réflexions sur les traits de caractère de tel ou tel Kariboo. Puis nous avons fait partie du paysage et nous avons enfin approché notre premier kariboo des montagnes.

Sur Pluton, la gravité est très faible, alors, les Kariboos et les montagnes sont très grands. Ce qui explique que nous étions fatigués en arrivant sur leur territoire. Ces kariboos nous ont fait un peu peur. Il faut dire qu’ils ne ressemblent en rien aux caribous qu’on connaît sur Terre. Beaucoup se tenaient debout.

Je ne sais vraiment pas qui leur a donné ce nom. Entre eux, ils se nomment les Karoobeï. Mais à cause de leur accent, on ne comprend pas toujours ce qu’ils disent, ce qui a été souvent la cause de malentendus parfois rigolos, mais le plus souvent on ignorait jusqu’à la nature du quiproquo. D’ailleurs les Kariboos ne connaisse même pas ce mot. Ce qui pour eux est surement un avantage. Car sur Pluton on a rarement le temps de penser aux erreurs d’interprétation. A cause du froid on est obligé de courir tout le temps.

dazarenkao

D’hasards en chaos
Les mots se bousculent
Comme les hommes dehors
Ma vue se brouille

Et les mots passent
D’un endroit l’autre
Vivre c’est éternellement
Recommencer des choses différentes
Et à quai
Ce bateau qui veut pas partir
Vers ces horizons lointains
Dont les livres m’ont parlé
Et qui me laisse après la pluie
Comme l’orage ou la muscade

Je passe
Je pense à tous ces efforts
Que je n’ai pas faits
A tout ces faits qui m’ont fait fort
Et je me tais
Parcouru de silence
Qu’un géant aurait, m’a-t-on dit,
Taillé dans du roc

Pour toi je dis qu’il vaut mieux
Briser la glace
Que ce silence
Impénétrable
Mon cerveau est jetable
Mes idées blâmables

Mais je passe et je vois
De haut en bas
Des cerveaux atrophiés
Qui restent accrochés
Nichés dans des parois lisses
Et moi je glisse et réglisse
Un goût amer sur les dents
Quand j’y pense

Si les poèmes sont tristes

Si les poèmes sont tristes, c’est que les poètes le sont et nous de même. Pour qu’un poème soit gai, vraiment gai, il faut se creuser la cervelle à coup de pétard dans l’oreille et laisser pendre la mèche, afin qu’on sache où il est, toujours. Ca ferait rire beaucoup de monde. Ce serait avec certitude un poème très gai, très réussi. Mais je n’ai pas le courage de l’écrire.