Les sites web doivent-ils s’afficher exactement de la même manière dans chaque navigateur?

Cette question récurrente est un peu le serpent de mer du webdesign et de l’intégration web. Elle provient à l’origine d’une application sans discernement du flux de production PAO à des projets web qui n’ont pas les mêmes problématiques à résoudre. En PAO, il est impossible de dire au client que sa brochure imprimée aura un nombre de colonnes différent selon les lecteurs ou que la belle typo qu’il a déjà sur sa carte de visite ne passera pas à l’impression. C’est ainsi qu’est né le mythe du rendu des maquettes Photoshop au pixel près. Et pour cause : une fois que l’on a fait signer le BAT au client, on a les mains liées. Difficile de lui expliquer ensuite pourquoi son site ne ressemble à rien sur le PC de sa secrétaire qui utilise IE6. Et c’est normal du point de vue du client qui a bien raison de se moquer des problèmes existentiels des ouvriers qui travaillent à fond de cale 🙂

Face à cette problématique, nous avons grosso modo deux profils bien différents :

  1. Les intégrateurs ou les webdesigners chargés de l’intégration web, formés à la découpe d’image dans Photoshop ou ImageReady, avec comme seul objectif en tête de faire exactement la même chose que la maquette. Sinon, ils ont raté leur vie. Pour eux, chaque bug est une occasion de traiter le web par-dessus la jambe et de cacher les miettes sous le tapis.
  2. De l’autre côté, nous avons des webdesigners ou des intégrateurs qui ont compris que le web était plus vaste que la somme des sites qui le compose, et qui «font avec» la multitude et les différences. Pour eux, chaque bug est une occasion d’en apprendre plus, de s’améliorer, de devenir un(e) meilleur(e) intégrateur/intégratrice web.

Entre les deux, on peut trouver des profils mixtes. Le rendu au pixel près est un type de prestation qui a déjà trouvé son public parmi les clients. Reste à faire payer le juste prix pour le travail de tuning fastidieux.

Pour ma part, lorsque c’est possible, j’essaie de m’affranchir le plus possible des contraintes de rendu fidèle en adoptant la philosophie de l’amélioration progressive ou de la dégradation gracieuse.

Sur le papier, cette philosophie est cool. Malheureusement, il est difficile de l’appliquer dans les agences, à cause du manque de bagage technique de la force de vente. Alors qu’avec un peu de pédagogie, appuyée par des arguments en termes de finances et de délais, je me rends compte que les conséquences liées à l’amélioration progressive et à la dégradation gracieuse sont plutôt bien comprises par les clients. Ils sont prêts à accepter que :

  • Les visiteurs sous IE6, IE7 et IE8 n’auront pas de coins arrondis,
  • Certains fonds n’auront pas de dégradés,
  • Certains effets de transparences n’apparaitront pas,
  • Etc.

Ce n’est pas si compliqué à faire comprendre. A condition d’être soi-même convaincu, bien évidemment !

Je pense être à même de comprendre les deux points de vue car j’ai travaillé plus de 10 ans en PAO et autant dans le web. Il m’a été très difficile à une époque de faire le deuil de la qualité de l’imprimé par rapport au côté cheap du web (surtout dans les années 1998). Je me suis souvent trouvé dans la situation de certains graphistes qui ont aujourd’hui des difficultés à comprendre les prises de position parfois un peu extrêmes de ceux qu’ils appellent les intégristes de l’intégration.

Or, ces derniers sont avant tout soucieux de rendre utilisable le site dont il ont la charge en prenant en compte le maximum d’utilisateurs et de configurations, au moindre coût. Car bien sûr, les plus « charitables » des graphistes-intégristes diront que le client n’a qu’à payer plus pour avoir plus. Par exemple, payer une intégration pour les ordinateurs de bureau, une autre pour les Netbooks, encore une pour les iPhone et pourquoi pas une dernière pour la route avec les téléphones Android ou Blackberry…

On le devine en filigrane, une des pierres d’achoppement qui empêche les uns de comprendre les autres, est globalement politique. Avec d’un côté, ceux qui essaient de diffuser largement la connaissance au moindre coût (quitte à gagner moins et à travailler plus) et ceux qui tentent de tirer le maximum de leurs clients, qu’importe si le site vendu n’est accessible qu’avec un ordinateur Apple équipé d’un écran de 25 pouces.

Je caricature, bien sûr. Je suis persuadé que l’on trouve des gens très bien chez les graphistes qui travaillent en agences et quelques brebis galeuses parmi les chantres du libre et de l’open source.

Le clivage semble politique et économique. C’est pas gagné.

Do websites need to look exactly the same in every browser?

→ Pssst : la suite de cet article sur Et si Photoshop permettait de tester des maquettes fluides ?