Je reviens vers vous une nouvelle fois sur le sujet du webdesign pour dissiper les malentendus qui semblent s’être glissés dans mes derniers articles. En résumé, j’aurais tendance à dénigrer le métier de webdesigner en mettant en avant des techniques et des méthodes de travail permettant de travailler directement dans le navigateur avec les possibilités chatoyantes de CSS3, sans utiliser les logiciels de création consacrés comme Photoshop et Illustrator ou Gimp et Inkscape. Le titre est court mais l’article l’est beaucoup moins pour remettre les «pendules à l’heure».
Prologue : webdesigner, mon frère, mon semblable
J’ai mis du temps avant de comprendre ce que l’on me reprochait car j’aime ce métier — mon métier — et l’ensemble des acteurs qui en compose le flux de production. Oui, même les graphistes sauvages, je les aime bien.
J’ai commencé à utiliser Photoshop 2.5.1 et Illustrator 88 au début des années 1990 et je continue encore aujourd’hui : je ne suis donc pas (seulement) un intégrateur web qui ne jure que par la sobriété d’un Notepad. J’en profite pour préciser que je ne suis pas développeur PHP ou Javascript, mais j’en connais suffisamment pour faire de l’intégration en terrain «hostile».
En relisant mon dernier article sur le graphisme et le webdesign, je reconnais avoir fait quelques remarques désabusées sur un certain type de webesigners, mais pas de quoi fouetter un chat pour autant. J’ai surtout l’impression que dès que l’on écrit autre chose que des billets composés de listes, des tutoriels ou des avis tranchés pour ou contre, le lecteur est perdu et a tendance à tout prendre au pied de la lettre ou à suivre son propre raisonnement au lieu d’entrer dans celui de l’auteur qu’il est en train de lire (ce qui n’es pas très poli, vous en conviendrez).
C’est en tout cas mon sentiment, notamment en ce qui concerne l’article Le Design serait inutile dans 80% des cas ! Beaucoup se sont arrêté au titre, sans même évaluer le conditionnel «serait» qui en disait pourtant beaucoup sur mes intentions. Dans le billet en question, mon propos n’est pas de dire que le design ne sert à rien. La réussite de certains sites moches n’est pas dû à l’absence de design, mais dépend d’un facteur totalement indépendant : la motivation des visiteurs pour le contenu qui les pousse à naviguer sur le site, y compris à contre-courant.
Donc, loin de penser que le design ne sert à rien, je voulait mettre en garde les aspirants à la médiocrité qui auraient pu croire qu’il suffit de faire un site moche comme le Bon Coin pour que ça fonctionne. Tout le contraire donc.
Je reconnais que je n’ai pas été aussi explicite que ça dans le billet. Les malentendus de ce genre sont nombreux à cause, sans doute, de mon style un peu éliptique où l’humeur, l’humour et le second degré s’immiscent dans les démonstrations les plus sérieuses. C’est d’ailleurs pour ne pas sacrifier cette liberté de penser que vous avez un simple «blog» sous les yeux au lieu d’un site plus classique avec du contenu Premium ^^
J’assume totalement ce soupçon d’élitisme qui fait mon charme…
Cela dit, il reste quand même des cas où les malentendus semblent venir d’ailleurs.
Past is the new Futur?
C’est en lisant le commentaire de PooLP que je me suis rappelé qu’à une époque on travaillait directement dans Quark XPress sans forcément passer par une maquette Photoshop. (Bien qu’il m’est arrivé de travailler avec des DA qui concevaient des maquettes dans Photoshop. A charge pour l’exé de tout décortiquer ensuite.)
Lorsqu’il fallait (re)faire un logo ou tout autre illustration vectorielle, je lançais Illustrator et lorsque c’était le moment de retoucher une photo ou de créer un fond de page, j’utilisais Photoshop. Une fois les éléments graphiques terminés et enregistrés chacun dans le format adéquat, je réalisais l’intégration (l’exé PAO), préparais le tout pour l’impression et partais avec mon disque dur sous le bras pour aller boire un café avec l’imprimeur.
En me remémorant cette période, j’ai compris pourquoi on ne parlais pas toujours le même langage : la plupart de mes expériences en tant qu’infographiste et maquettiste ont eu lieu dans un environnement de publication périodique à fort contenu éditorial avec beaucoup de textes et quelques images, tandis que de nombreux webdesigners ont aujourd’hui une culture graphique qui privilégie l’image et l’émotion qui va avec.
Le travail consistait en grande partie à créer des chartes graphiques de type «journal» ou «magazine» et à les adapter aux différents contenus apportés par les commerciaux et les journalistes : publicité, hors-série, dossier spécial, nouvelle rubrique, etc. Après 10 ans dans les métiers de la chaine graphique, je suis passé du «côté Web» vers 2001 pour voir si l’herbe était plus verte.
«J’te dis Web» (feat. @thanh)
Elle l’était, plus verte. Mais pas comme je l’imaginais : tout était vraiment très vert, pas mûr pour être plus précis :
– La PAO connaissait les calques pouvant accueillir textes et images, le web ne proposait que des tableaux rigides,
– La PAO offrait des centaines de polices de caractère de qualité, le Web offrait… que dalle,
– Là où il fallait se coltiner les problèmes liés aux flashage (photocomposition), le Web s’enlisait dans les différences de rendu entre les différents navigateurs…
Le Web est né en Suisse, pas en Californie !
Bref, il fallait une bonne dose de motivation mais je me suis accroché. Ce qui m’intéressait le plus au début, c’était le côté «Cyber» du bouzin, le côté «on réinvente tout», «on coupe les ponts», «la belle typo on s’en fiche, c’est pour les bougeois», etc. Faut dire que j’avais déjà une culture graphique proche de l’école Suisse. Emil Rüder, principalement, pour sa sobriété, son attachement au message à véhiculer, sans fioriture, direct par l’intellect sans passer par l’émotion. Enfin, c’est peut-être surtout moi qui voyais les choses de cette manière.
Sans fioriture ne signifie pas que je zappe la phase «recherche de pistes graphiques». Je vais chercher l’inspiration ailleurs que dans les tutoriels que l’on trouve sur le Web. Mon fil directeur est de mettre les contenus en valeur en supprimant tout ce qui peut être supprimé pour atteindre le moment où «ça y est», ni plus ni moins. Mon Saint-Graal est que «ça fonctionne» comme on dit.
Si votre Saint-Graal nécessite plus d’éléments ou si votre culture est plus Californienne que Suisse, je n’y vois pas inconvénient et je peux même l’apprécier.
Voilà, c’est bientôt fini. J’ai essayé d’être honnête et de montrer dans ce billet plus personnel que les autres, une partie de mes motivations et de mes centres d’intérêts ainsi que ma façon d’aborder le métier d’enveloppeur web option webdesigner.
Merci de votre attention.
Epilogue : le Web est une e-toile inaccessible. Wesh.
C’est tout à ton honneur de tenter de comprendre ce qui se passe autour de toi et de ne pas avancer avec des œillères. Comme je le dis toujours le respect ca ne se gagne pas, ca se mérite…
J’ai beaucoup aimé le billet sur le webdesign qui ne sert à a rien dans 80% des cas. C’est par ce type de billets que l’on avance, que l’on prend du recul et de l’expérience.
Si le Webdesign devait être à sens unique avec un seul courant et une seule pensée bien lissée alors je changerais de métier et partirais vers autre chose.
L’intégrateur html n’est de mon point du vue ni un web designer, ni un développeur, il est la synthèse entre les deux. Il fait la jonction pour que les contraintes et les préjugés de chacun puissent aboutir à un consensus. C’est ce qui rend ce métier si passionnant mais très souvent mal connu ou mal compris. En attendant j’avoue que de mon côté j’ai besoin de sortir des sentiers battus et de mettre à l’épreuve ma curiosité et mon sens critique… c’est vital. Merci à toi donc de m’apporter ces ressources dont j’ai besoin.
J’ai beau ne pas être fan de certaines blagues sur les designers « créatifs artistes », ça ne remets pas en cause la qualité de ton travail. D’ailleurs, je trouve que tu ne devrais pas te justifier pour écrire ce que tu écris. On a le droit d’avoir des désaccords sans que ça remette en cause ta légitimité.
Personnellement, je pense que tous ces articles ont le mérite d’exister justement parce qu’ils créent des discussions, et perso, j’adore. J’ai une vision un peu différente, un métier un peu différent et une histoire un peu différente. Du coup, on ne peut pas être pareils, mais c’est justement cette différence qui nous permet d’avancer.
Continue de distribuer ta manière de penser, on en a grand besoin et c’est toujours un plaisir d’engager des discussions qui sont toujours passionnantes !! 😉
Bonjour Bruno,
As tu un portfolio visible quelque part ? (je n’ai pas trouvé). Ça m’aiderait à mettre des choses en relations et comprendre la démarche et le parcours que tu décris en voyant ton travail.
Olivier
Je pense que l’imcompréhension est en partie générationnel, les personnes qui ont connu la PAO doivent comprendre plus facilement l’intérêt de travailler ses maquettes directement en HTML, mais attention, ce seras réellement possible quand les normes CSS3 seront posé une bonne fois pour toutes (adieu les -moz ou -webkit) et que tout les navigateurs soit compatible, que la qualité de certains effets comme les ombrées qui sont différents entre chaque navigateur* et pas très beau ou les bord arrondie qui sont crénelé comme ce n’est pas permis !), ya encore du boulot !
*une autre raison pour faire ses proposition graphique directement en HTML ^^
Article tout bonnement sublime, qui aurait eu le mérite d’être publié en amont de ton blog, un peu comme un édito… Je m’explique :
Je lis tes billets depuis un bout de temps et j’avoue moi aussi avoir été « fourvoyé » par le contenu de ton blog, qui prônait une certaine méthode de travail, qui occultait assez violemment les méthodes « classiques » dites de webdesign (notamment le post à propos des tarifs et du temps consacré à une création/intégration).
D’autant plus que les nouveaux standards (aka HTML5/CSS3 et tout le toutim) ne sont pour le moment que du vent au sens strict du terme, car non officialisé et non pris en charge totalement. Donc bâtir une méthodologie de travail sur une pente aussi glissante m’a paru, de prime abord, assez suicidaire.
Néanmoins, à la lecture de cet excellent billet, on sent que le br1o a roulé sa bosse sur les chemins escarpés du webdesign et que la quintessence de son savoir faire ne peut être dans la manière dont évolue le contenu rédactionnel de son blog.
Quoiqu’il en soit, je pense que tu représentes officiellement (et c’est tout à ton honneur) une bonne partie des opprimés, à savoir les intégrateurs, qui ont, il faut le dire, le cul entre deux chaises, et qui sont obligés de jongler entre graphisme pur et code à gogo (je parle en connaissance de cause). Et le fait d’exprimer ouvertement la manière dont tu vois les choses, et d’évoluer différemment fait naturellement crier les puristes et les élitistes au scandale.
Bref, excellent billet (comme à l’accoutumé) que je me ferai un plaisir de citer lorsque le débat se représentera…
Nous sommes bien d’accord 🙂
Travaillant en Suisse, ce billet ne peut que me plaire ! 🙂
Blague à part, je ne peux qu’apprécier ta vision du métier.
C’est très intéressant de découvrir ton parcours et ta vision du métier Bruno, ça explique certaines choses. Effectivement, on a tous des vécus différents, et on ne fait pas tous exactement le même métier non plus…ce qui explique plusieurs manières de voir et de faire les choses.
Quoi qu’il en soit tu restes pour moi une référence en terme d’intégrateur web et tu as le mérite d’ouvrir des discussions très enrichissantes avec certains sujets de ce blog.
Au plaisir,
Vincent, un graphiste sauvage qui fait aussi aussi de l’intégration 🙂
Merci pour cet article
En fait en lisant cet article et les commentaires de Papier-Pixel, j’ai l’impression que le métier de Webdesigner n’a pas encore trouvé ses marques et que les webdesigners viennent d’horizons différents d’où les différences d’opinions.
Si j’ai bien compris il y a 3 origines différentes pour les webdesigners :
– les maquettistes ( s’occupant de la mise en page de journaux, magazines, livres) et qui sont passés de la PAO au Web
– les designers qui sont des graphistes , et qui se sont mis à faire du design Web
– les développeurs d’application qui se sont mis à concevoir des interfaces web pour leurs clients ( site marchand … )
Il est clair que la dernière catégorie fera appel à un graphiste pour le côté ‘look’ mais pas pour la conception du site .
Ah oui et ne pas oublier les autodidactes …
Par contre je n’ai pas bien saisi ce qu’était un intégrateur web
Enfin peut-être que je me trompe mais pour moi le webdesigner est celui qui conçoit le site web pas seulement celui qui élabore le design.
Arialia — Au sens large un webdesigner doit savoir faire un site Web. C’est à dire, d’après le brief du client (revu et corrigé par un commercial), d’être capable de proposer des pistes de design incluant l’architecture de l’information (rubriquage, granularité, etc.), l’ergonomie, etc. et être capable de livrer quelque chose de visible depuis une adresse Web.
Voilà pour la base. Ensuite, selon le type d’entreprise où l’on travaille, le flux de production peut être un peu plus segmenté avec un pôle graphisme qui va produire du .psd, un pôle intégration qui va découper ce .psd pour en faire un site Web, et un pôle développement pour l’intégration des fonctions métiers dans un langage de type PHP.
Chaque intervenant doit avoir une bonne connaissance des métiers qui l’entoure et au bout d’un moment, la curiosité aidant, un intégrateur pourra se dépatouiller en PHP, et un graphiste saura intégrer une maquette en cas de rush 😉
Superbe article, je suis un « integraphiste » et effectivement notre métier est peu compris